TRAVAIL DISSIMULE ET DOMMAGES INTERETS SOLLICITES PAR L’URSSAF
(Chambre Criminelle, 20 mai 2025, pourvoi n° 24-81.879)
Voilà quelques précisions bienvenues apportées par la chambre criminelle, s’agissant des dommages intérêts auxquels l’URSSAF peut prétendre lorsqu’elle se constitue partie – civile à l’encontre d’une personne poursuivie pénalement pour travail dissimulé.
L’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale rappelle que les URSSAF ont pour mission de recouvrer certaines cotisations obligatoires, de vérifier l’exhaustivité, la conformité et la cohérence des informations déclarées par les employeurs et de corriger les erreurs ou anomalies affectant le montant des cotisations.
En cas de travail dissimulé, l’URSSAF dispose de procédures « administratives » lui permettant d’établir et de recouvrer les cotisations non versées, y compris en appliquant des pénalités.
Lorsque de surcroit, elle s’associe à la procédure pénale menée contre la même personne pour l’infraction de travail dissimulé, il n’est pas rare qu’elle sollicite des dommages -intérêts complémentaires pour un préjudice moral lié, à raison de la commission de l’infraction, à une entrave à sa mission de service public.
Tout aussi régulièrement, elle réclame la réparation d’un préjudice matériel en lien avec un prétendu surcoût de fonctionnement pour avoir dû mettre en œuvre la procédure de redressement des cotisations ;
La Cour de cassation rappelle qu’une personne morale de droit public n’est pas fondée à réclamer la réparation du préjudice moral causé par une infraction si ce préjudice se confond avec le trouble social que répare l’exercice de l’action publique menée par le Parquet (Crim., 15 novembre 2023, pourvoi n° 22-82.826).
La règle est étendue aux URSSAF, personnes morales de droit privé mais chargées d’une mission de service public et disposant de prérogatives de puissance publique.
En clair, le préjudice moral dont se prévaut alors l’URSSAF n’est pas le sien : il s’agit du préjudice porté à l’intérêt général que répare l’action publique engagée par le parquet pour obtenir une condamnation pénale.
Il n’y a pas lieu d’indemniser l’URSSAF à ce titre et seuls des éléments particuliers à l’affaire traitée pourraient permettre, éventuellement, de distinguer un préjudice moral réparable propre à l’URSSAF.
La lecture est aussi stricte s’agissant d’indemniser l’URSSAF d’un préjudice matériel : le seul fait d’avoir dû mettre en œuvre la procédure de redressement des cotisations n’est pas générateur d’un préjudice puisque c’est la mission donnée par la loi aux URSSAF.
L’URSSAF « ne fait alors que son travail ».
Si elle entend prétendre à un préjudice matériel à ce titre, il lui faudra démontrer l’existence de surcoûts de gestion liés à la mise en œuvre de la procédure de redressement pour travail dissimulé, surcouts qui excèderaient la charge normale de vérification de l’exactitude des déclarations sociales qui, là encore, fait partie de ses tâches dévolues par la loi.
Par analogie, on imagine, en effet, assez mal un service de police ou de gendarmerie solliciter des dommages intérêts dans chaque affaire pénale en soutenant que la commission d’une infraction lui cause un préjudice moral dès lors qu’il est en charge d’assurer l’ordre et la sécurité sur son territoire, lesquels sont effectivement troublés par la commission de l’infraction ; que par ailleurs, le fait d’employer ses personnels à la recherche des éléments de l’infraction et de son auteur lui cause un préjudice matériel.
Comparaison n’est pas raison mais y a-t-il préjudice, sauf circonstances particulières, à assumer la mission dévolue par la loi ?
Ainsi, il est impératif de passer les demandes financières des URSSAF, partie civiles, au tamis de ces critères restrictifs.
Eugène BANGOURA
Avocat Associé, spécialiste en droit pénal